Porté par l’immense émotion qu’ont manifestée la quasi-totalité des habitants du pays suite à l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo et des policiers, le président de la République a décrété une journée de deuil national et il a eu raison de le faire. Quelques heures après ce terrible événement, il est malgré tout rassurant de constater que tous les partis politiques démocratiques se retrouvent ensemble pour dire que nous ne laisserons pas porter atteinte à notre liberté de penser et à notre liberté d’expression, fondements du vivre-ensemble de la République.
Pour autant, cet unanimisme républicain ne doit pas être un moyen pour la classe politique de s’exonérer de la responsabilité qu’elle a dans la survenue de ce genre d’actes barbares : quand on vit dans un pays où, depuis 30 ans, les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres, fatalement il y a un moment où cela explose d’une façon ou d’une autre. Des jeunes de plus en plus nombreux, quelle que soit leur origine, simplement parce qu’ils ne sont pas nés au bon endroit, s’aperçoivent qu’ils n’ont d’autres perspectives que de vendre leur force de travail dans des conditions de plus en plus difficiles et dégradantes juste pour pouvoir survivre. Ceci dans un des pays les plus riches du monde où des gens propres sur eux leur expliquent à longueur de temps qu’il faut aller encore plus loin dans cette politique libérale mortifère pour sortir de la « crise ». Et où ils s’aperçoivent que l’usage du bulletin de vote et l’alternance démocratique ne changent rien au discours dominant et aux politiques menées. Comment s’étonner après que cette injustice, ce cynisme n’alimentent pas ensuite les actes les plus fous et les plus criminels ?
De tous temps les fanatismes politiques et religieux ont prospéré sur ces situations de désespérance. Bien sûr, la police et la justice doivent faire leur travail pour châtier les assassins, mais cela ne sera jamais suffisant. Le travail de fond qu’il faut faire maintenant, sur le long terme, c’est d’ôter toute raison aux jeunes de notre pays de s’en remettre à des manipulateurs sanguinaires et que la devise liberté-égalité-fraternité gravée au fronton de nos mairies ne soit pas bafouée en permanence par les valets de la finance internationale.