Comme tous les habitants de Soisy et des environs, je suis un peu plus concerné par les problèmes liés aux jeux d’argent que la moyenne de nos concitoyens : quand un automobiliste s’arrête pour demander au piéton que vous êtes un renseignement, vous pouvez être à peu près sûr que c’est pour vous demander où se trouve le casino… et, quand je vais prendre le train à Champ-de-Courses et que je ne trouve pas à me garer, c’est bien sûr parce que les parkings gratuits ont été envahis par les turfistes se rendant à l’hippodrome.
En dehors de cette gêne ponctuelle, que des personnes se livrent à ce genre de passe-temps ne me dérange absolument pas — on a tous nos petites faiblesses — et il n’est pas question de les interdire. Cependant, j’observe que le jeu pratiqué au casino n’est pas une activité totalement neutre, puisque ceux-ci ne peuvent pas s’installer n’importe où et que la publicité leur est interdite.
Même si la potentialité d’addiction est sans doute un peu plus faible, comment cela se fait-il alors que l’on soit inondé de publicités incitant à jouer au PMU et à toutes les variantes de grattage-tirage de la FDJ ? Pourquoi les publicités pour l’alcool et le tabac sont interdites et pas celles pour le PMU et la FDJ, alors que les effets pour ceux qui s’y adonnent sont potentiellement aussi destructeurs ?
En dehors des taxes que cela rapporte à l’Etat, il y a une raison de fond au maintien de ce système : dans un pays où l’écrasante majorité de la population gagne juste de quoi vivre chichement voire de survivre et où les perspectives d’évolution sociale favorable sont quasi nulles, il est vital pour les tenants du pouvoir de maintenir parmi cette population un espoir de sortir de leur condition en touchant le « gros lot ». Même si les chances sont infinitésimales, le fait de maintenir cette hypothétique possibilité (« l’espoir fait vivre ») permet d’avoir quelque chose à se raccrocher et surtout d’éviter au bon peuple de s’interroger sur les inégalités et les injustices qui minent notre société et de se révolter. C’est toujours le pari que l’on peut s’en sortir individuellement, plutôt que de rechercher des solutions collectives.
C’est pourquoi, tout en laissant bien sûr à chacun la possibilité de pratiquer les activités de son choix, il est tout à fait amoral et choquant que, au pays des Lumières, on continue à laisser faire de la publicité encourageant les comportements visant à maintenir un ordre a-social. Avec une mesure simple, on pourrait initier un changement socio-culturel important. Ne serait-ce pas le rôle d’un gouvernement de gauche de porter ce changement?