Blanc !

Après des quinquennats effectués par des camps opposés même s’ils ne remettaient pas en cause le libéralisme triomphant, le fait qu’un candidat dont les discours n’ont aucun contenu arrive en tête de l’élection présidentielle est un marqueur inquiétant de l’état de déliquescence de la démocratie française.

Mais pas seulement : cet alignement de mots à la mode vide de sens n’est pas neutre. François Fillon éliminé du fait de son amoralité, Emmanuel Macron  est à l’évidence le candidat qui convient le mieux au monde de la finance. Et ce n’est pas ce candidat, complètement soumis au pouvoir des lobbies, qui sera en mesure d’enclencher les urgentes mesures sociales et écologiques dont le pays a besoin.

Le candidat dont j’ai soutenu le programme de futur désirable, Benoît Hamon, appelle à voter Macron. Mais c’est Philippe Poutou qui a raison en disant qu’un vote Macron ne protège guère de Le Pen et que c’est maintenant dans les luttes sur le terrain que les choses vont se jouer. Je ne me referai pas avoir comme en 2002 avec le vote Chirac. Pour construire aujourd’hui quelque chose de nouveau il faut montrer que la Ve République et ses loteries électorales sont à bout de souffle. Seul un vote blanc massif montrera au vainqueur qu’il ne pas pourra continuer les politiques libérales destructrices, et ce sera mon vote.

Les abus de quelques-uns ne doivent pas conduire à mal légiférer

Il est inquiétant de constater que l’évidente amoralité du sieur François Fillon risque de conduire à interdire aux parlementaires d’employer des membres de sa famille, ce qui est complètement absurde, voire dangereux.

De nombreux conjoints d’artisans et de commerçants travaillent pour leur époux ou leur épouse, de nombreux enfants commencent à travailler avec leurs parents avant de reprendre l’entreprise familiale, il n’y a rien de plus naturel. Alors, certes, le « métier » de politique n’est pas un métier comme les autres et il n’est pas choquant qu’il fasse l’objet de dispositions particulières. Mais, par exemple, tout le monde sait que la deuxième épouse de Nicolas Sarkozy a eu un rôle actif dans la carrière politique de son mari, je ne sais pas si ça a été le cas mais il n’y aurait rien de choquant à ce qu’elle ait reçu un salaire pour cela.

Surtout, jusqu’où va-t-on considérer que va la famille ? Oncles et tantes, cousins et même petits-cousins ? Va-t-on aller, comme sous l’Ancien Régime, jusqu’au 8e degré civil où il fallait une dispense de l’évêque pour se marier ? Et, s’il est facile de déterminer ce qu’est un couple légitime, quel sera le sort des pacsés et de ceux qui vivent en union libre, que ce soit au grand jour ou de façon plus discrète ? Mènera-t-on des enquêtes de police pour savoir quelle est la nature de leur lien ?

Et puis, alors que l’on sait que de nombreuses personnes trouvent leur futur-e conjoint-e dans leur milieu professionnel, cela voudrait dire qu’à un député et son attaché parlementaire il serait par définition interdit d’avoir une relation affective poussée ? Parce que cette relation tomberait sous le coup de la loi ? Qu’avant toute concrétisation du lien il faudrait licencier, ce qui poserait d’autres problèmes par rapport au droit du travail ?

Il faut arrêter les délires. Les problèmes posés par les pratiques de François Fillon ne sont pas de nature légale, ils sont de nature morale. Et la loi n’a pas forcément vocation à régir la morale.

Merci cher Canard

Jamais la vitalité du « quatrième pouvoir », la presse, n’a été aussi indispensable qu’aujourd’hui. Merci donc au Canard enchaîné d’avoir révélé au pays ce qu’étaient les pratiques réelles de celui qui prétendait donner des leçons de morale au reste de la classe politique. Quelle que soit l’issue judiciaire à laquelle nous assisterons, il est maintenant évident que l’homme politique François Fillon détournait à des fins personnelles les fonds publics qui lui étaient alloués pour accomplir son mandat.

Peut-être que Pénélope Fillon l’a quelque peu aidé dans différentes tâches comme cela se passe dans tous les couples. Moi-même, il est arrivé à maintes reprises que mon épouse me donne des idées, des informations, modifie des articles que j’avais rédigés, corrige des tracts que j’avais écrit, et tout cela bénévolement. Bénévolement parce que, moi-même acteur politique bénévole, j’aurais été bien en peine de lui attribuer un quelconque salaire.

Alors que Pénélope Fillon ait —  dans le meilleur des cas — touché des salaires mirobolants pour de potentielles tâches plus que légères, oui, c’est énormément choquant. Et quand ce scandale est le fait de quelqu’un qui voulait supprimer 500.000 emplois de fonctionnaires aux salaires souvent modestes au prétexte de redresser le pays, on mesure le cynisme de ces dirigeants sans aucun sentiment humain. Il n’y a plus qu’à souhaiter que ce soit le peuple qui désormais lui interdise toute responsabilité publique.

Adieu PS, je t’aimais bien…

En ces temps électoraux difficiles, on ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine satisfaction à l’annonce des résultats de la primaire organisée par les socialistes : le fait que Manuel Valls, qui n’a jamais été de gauche, ne réunisse même pas un tiers des suffrages sur son nom et arrive derrière Benoît Hamon, a quelque chose de rassurant sur l’état réel de ce que j’ose encore appeler le « peuple de gauche ».

Cette primaire signe vraisemblablement l’acte de décès du PS et, vu ce qu’il est devenu, ce ne peut être que salvateur. Depuis 1905 le Parti socialiste a fait de grandes choses avec entre autres Léon Blum et le Front populaire, puis François Mitterrand avec l’abolition de la peine de mort et Michel Rocard avec les révolutions RMI et CSG, et jusqu’à Lionel Jospin qui a relancé le processus émancipateur de réduction du temps de travail et arrêté le surgénérateur nucléaire Superphénix. Mais, malgré les étiquettes, ce PS-là n’était plus au gouvernement.

Et si les cartes ont été brouillées au point qu’on ne distingue plus guère la différence entre la gauche et la droite, on peut quand même aujourd’hui distinguer deux catégories de responsables politiques : ceux qui font de la politique d’accompagnement — c’est-à-dire en fait qui laissent les puissances financières transnationales faire comme bon leur semble — et ceux qui, conscients de l’injustice sociale et de la finitude de la planète, mettent toutes leurs forces à faire de la politique de transformation.

Dans la catégorie de ceux qui font de la politique d’accompagnement les nuances sont infimes entre Valls, Macron ou Fillon. De l’autre côté, et c’est pour ça que le PS a fini d’exister, se trouvent Hamon, Montebourg, Mélenchon et nous-mêmes à EELV. Nous avons certes des sujets de désaccord. Mais nous avons conscience des vrais problèmes et nous parlons la même langue, donc l’avenir n’est pas forcément complètement noir pour les générations futures.