L’assassin de la République

En ce moment où le temps est comme suspendu, il n’est pas inutile de regarder de plus près le chemin qui a été suivi par celui qui est en train d’entraîner le pays dans le précipice. Déjà, quand il était ministre dans un gouvernement de gauche, toute son action était en fonction de ce qu’il croyait sans aucune considération pour le résultat de la délibération collective, plusieurs de ses anciens collègues peuvent en témoigner.

Sa démission du gouvernement Valls, alors qu’ils sont sur les mêmes positionnements politiques, n’est encore dictée que par son intérêt personnel. Bénéficiant de la division de la gauche, des casseroles qui plombent la candidature de François Fillon et du rejet du Front national, il sera élu président de la République alors que, contrairement à tous ses prédécesseurs, il n’avait montré aucune des qualités qui permettaient d’y prétendre.

Alors que les circonstances de son élection auraient dû l’obliger à mener une politique au centre, cet ancien employé de la banque d’affaires Rothschild a, de façon de plus en plus ouverte, mené une politique servant les intérêts de ses amis du monde de la finance. Normal, c’est un monde dont, malgré ses fonctions, il fait toujours intégralement partie.

C’est toujours en fonction de son intérêt personnel et de celui de ses amis que, aujourd’hui, il refuse de s’incliner devant les résultats du suffrage universel avec des arguties qui ne résistent à aucune analyse sérieuse. En agissant ainsi il se déshonore — tout le monde s’en fout — mais surtout il salit la fonction de président de République et donc abîme la République qui n’avait pourtant pas besoin de cela.

Où cette attitude irresponsable va-t-elle nous mener ? Qu’a-t-il maintenant comme issue, à part nommer quelqu’un comme Gérald Darmanin ? Darmanin qui fait partie du « bloc central » mais qui est un ancien des Républicains et dont l’attitude guerrière envers l’immigration et les écologistes peut lui valoir une certaine indulgence de la part de ses anciens amis et du Rassemblement national et ainsi échapper aux motions de censure.

Bien au-delà des partis, le peuple de gauche ne pourra accepter pareille forfaiture. Le locataire de l’Élysée est un dangereux pyromane.

Adieu PS, je t’aimais bien…

En ces temps électoraux difficiles, on ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine satisfaction à l’annonce des résultats de la primaire organisée par les socialistes : le fait que Manuel Valls, qui n’a jamais été de gauche, ne réunisse même pas un tiers des suffrages sur son nom et arrive derrière Benoît Hamon, a quelque chose de rassurant sur l’état réel de ce que j’ose encore appeler le « peuple de gauche ».

Cette primaire signe vraisemblablement l’acte de décès du PS et, vu ce qu’il est devenu, ce ne peut être que salvateur. Depuis 1905 le Parti socialiste a fait de grandes choses avec entre autres Léon Blum et le Front populaire, puis François Mitterrand avec l’abolition de la peine de mort et Michel Rocard avec les révolutions RMI et CSG, et jusqu’à Lionel Jospin qui a relancé le processus émancipateur de réduction du temps de travail et arrêté le surgénérateur nucléaire Superphénix. Mais, malgré les étiquettes, ce PS-là n’était plus au gouvernement.

Et si les cartes ont été brouillées au point qu’on ne distingue plus guère la différence entre la gauche et la droite, on peut quand même aujourd’hui distinguer deux catégories de responsables politiques : ceux qui font de la politique d’accompagnement — c’est-à-dire en fait qui laissent les puissances financières transnationales faire comme bon leur semble — et ceux qui, conscients de l’injustice sociale et de la finitude de la planète, mettent toutes leurs forces à faire de la politique de transformation.

Dans la catégorie de ceux qui font de la politique d’accompagnement les nuances sont infimes entre Valls, Macron ou Fillon. De l’autre côté, et c’est pour ça que le PS a fini d’exister, se trouvent Hamon, Montebourg, Mélenchon et nous-mêmes à EELV. Nous avons certes des sujets de désaccord. Mais nous avons conscience des vrais problèmes et nous parlons la même langue, donc l’avenir n’est pas forcément complètement noir pour les générations futures.

 

Michel Rocard, l’honneur de la gauche

Je ne peux pas laisser Michel Rocard nous quitter sans dire un mot de l’importance qu’il a eue sur mon engagement politique. En 1969 j’avais la télévision depuis peu et avais suivi assidûment les débats pour l’élection présidentielle. Par rapport aux autres candidats, assister aux prestations de Michel Rocard avait une saveur particulière parce que, en l’écoutant, on avait l’impression de devenir plus intelligent… Ce qui, à 14 ans, vous marque forcément.

Plus tard, après avoir quitté les écologistes à cause de leur positionnement « ni droite ni gauche » et marqué ma sympathie aux libertaires, c’est bien lui, Michel Rocard, qui m’a fait franchir le pas d’adhérer à ce parti réformiste qu’était le Parti socialiste, afin qu’il soit le candidat des socialistes à l’élection présidentielle de 1981. On sait ce qu’a été la suite… Mais, dès 1980, j’avais assisté à une réunion locale animée par des proches de Michel Rocard où ils décrivaient leur souhait de mettre en place un « revenu minimum d’existence », idée qui paraissait complètement utopique voire saugrenue dans la société française de l’époque et même au Parti socialiste.

Mais en 1985 au congrès de Toulouse, bien qu’encore une fois minoritaire, Michel Rocard parvient à faire inscrire dans la motion de synthèse cette idée de revenu minimum d’existence qui deviendra un élément de programme du PS. On sait ce qu’il advient de bon nombre de promesses des programmes politiques… Pourtant, quand il a été en situation de gouverner en 1988, Michel Rocard a mis en place ce qui paraissait complètement utopique peu de temps avant et créé le RMI ! Chapeau bas.

Au cours de ses trois années à la tête du gouvernement il a aussi mis en place la CSG, qui était révolutionnaire dans le sens qu’elle concrétisait l’idée que la protection sociale ne devait pas être financée uniquement par les revenus du travail mais par l’ensemble des revenus, dont les revenus financiers. Elle a été vilipendée tant par la droite que par certains syndicats, pour être ensuite très vite acceptée par l’ensemble de la société parce qu’elle était juste.

Comment également ne pas saluer sa démarche de dialogue en Nouvelle-Calédonie où, après les dégâts provoqués par le lâche et sanguinaire Bernard Pons, il a su créer les conditions pour que s’établisse une paix durable ? Encore une action où l’on n’aurait pas trouvé grand monde pour parier sur sa réussite.

Pourtant, comme tout grand homme, il a eu ses faiblesses : je ne comprends toujours pas pourquoi il a facilité la carrière politique de Manuel Valls, qui est son exact contraire.

Toutefois, à la suite de Jean Jaurès et de Léon Blum, il restera de ceux qui ont marqué et honoré l’histoire de la gauche.

 

C’est ce gouvernement qui est dangereux, c’est ce gouvernement qu’il faut interdire

Non content d’exploiter de façon particulièrement indigne les dégradations lors des dernières manifestations — alors que de nombreux observateurs dont des syndicats policiers s’étonnent de certaines consignes données aux forces de l’ordre —, ce gouvernement franchit un pas de plus dans l’ignominie en osant interdire une manifestation déclarée par les plus grandes organisations syndicales.

Comme y appelle la Ligue des droits de l’homme c’est donc maintenant — sous un gouvernement prétendûment de gauche — la liberté de manifester qu’il faut défendre et bien sûr j’y serai. Tout en sachant que, tant que ce Premier ministre pyromane sera à Matignon, le pays ne pourra retrouver la paix.

Résistance face au gouvernement de la honte

A Paris et partout en France il y avait du monde hier dans la rue pour protester contre le projet El Khomri de casse du Code du travail et ce n’est vraisemblablement qu’un début, tant le cynisme de ceux qui occupent les palais de la République est maintenant sans bornes. Que ce soit ceux qui se disent les héritiers du mouvement ouvrier qui, depuis presque deux siècles, a combattu pour défendre les droits des plus faibles contre les puissants est une trahison qui, hélas, sera au final payée par tout le monde.

Qu’ils trahissent ceux qui les ont élus est déjà terrible, mais qu’en plus ils les prennent pour des imbéciles est une insulte supplémentaire : qui peut croire, par exemple, que le fait d’abaisser le coût des heures supplémentaires peut inciter les patrons à embaucher ? Les heures supplémentaires coûtant moins cher, les patrons vont évidemment y avoir davantage recours, au détriment de ceux qui restent sans emploi.

La gauche a toujours été historiquement pour la baisse du temps de travail, pour le bien-être de tous. La seule politique efficace pour l’emploi ces 30 dernières années a été le passage aux 35 heures mis en place par Martine Aubry. Ce cycle historique a été arrêté par MM. Hollande et Valls, qui resteront la caricature de ce qui est le plus détestable en politique.

Interdiction de manifester mais pas de consommer

Que l’horreur des assassinats du 13 novembre amène le pouvoir à prendre des mesures policières et judiciaires exceptionnelles est une réponse normale et nécessaire. Mais la nature des mesures qui sont prises laisse dubitatif sur leur efficacité et sur le but qui est réellement poursuivi.

Pourquoi, par exemple, la manifestation prévue samedi dernier pour protester contre le choix du tracé du BHNS sur le Triangle de Gonesse a-t-elle été interdite ? Quelle est la raison profonde de l’interdiction de la grande manifestation qui était prévue dimanche 29 novembre à Paris à la veille de la COP21 ? Tout montre que le gouvernement ne veut pas qu’il soit visible  que la sauvegarde du climat est l’objet d’une grande mobilisation populaire, certainement plus sincère que celle des politiques en permanence sous influence des lobbies industriels et financiers.

Les rassemblements offriraient une cible aux terroristes ? Pourtant, les événements culturels, un temps suspendus, ont repris ; les événements sportifs n’ont jamais vraiment été arrêtés, alors que c’est eux qui ont été visés le 13 novembre. On découvre qu’il y avait aussi des projets d’attentats à La Défense, mais les centres commerciaux continuent à faire le maximum pour nous faire consommer.

Les manifestations de citoyens n’ont pas été visées, mais ce sont ces rassemblements-là que le gouvernement décide d’interdire. Alternatiba et de nombreuses personnalités remarquent que c’est une grande victoire de Daesh d’avoir provoqué la mise sous tutelle sécuritaire de la population tout entière et appellent à braver cette interdiction arbitraire. De qui auront le plus à craindre ceux qui répondront à cet appel ? Des terroristes ou de Manuel Valls ?

 

Une fois encore, Hollande et Valls trahissent Jaurès

Incroyable que des gens qui se disent socialistes puissent parler de « violences inacceptables » et traitent de « voyous » ceux qui souffrent dans leur chair et sont exaspérés par le cynisme de plus en plus violent dont fait preuve le monde de la finance internationale. N’ont-ils pas lu Jaurès ?

Voici ce que déclarait Jean Jaurès devant la Chambre des députés il y a plus d’un siècle, le 19 juin 1906 :  « Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclats de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continuent la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. […] Ainsi, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité. »

Il est vrai que, quand on a tourné le dos à ses engagements électoraux et berné le peuple de gauche, on n’en est plus à une trahison près.

Ce gouvernement libéral a maintenant besoin de la violence meurtrière pour imposer ses projets nocifs

Après les ministres de l’Intérieur Marcellin, Poniatowski et Bonnet, tristement célèbres pour leur conception musclée du maintien de l’ordre, j’avais noté, en 1981 avec l’arrivée de la gauche au pouvoir et Gaston Defferre au ministère de l’Intérieur, une nette baisse de tension lors des manifestations.

Mais aujourd’hui la mort tragique de Rémi Fraisse, tombé alors qu’il manifestait pacifiquement contre le projet de barrage de Sivens destiné à accroître les profits de l’industrie agro-alimentaire et menaçant 94 espèces protégées, apporte une preuve supplémentaire que ce gouvernement n’est pas de gauche.

Cela fait maintenant des années que tous les démocrates dénoncent l’utilisation par les forces de police d’armes prétendument non létales (flash-balls, tasers) mais qui ont quand même des morts à leur actif. Ce gouvernement ne les a pas supprimées, il les utilise et, après le drame, s’essaie à des manipulations politiciennes. Manuel Valls avait déjà montré ce dont il était capable le 22 février lors de la manifestation à Nantes contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, on frémit en pensant au prochain degré que sa logique libérale ne manquera pas de lui faire franchir. Le libéralisme est un système intrinsèquement violent, et encore plus quand de plus en plus de monde s’aperçoit que ces gens nous mentent et nous envoient dans le mur.

 

La glissade sans fin du PS vers la droite pose la question des alliances pour les écologistes

La constitution du deuxième gouvernement de Manuel Valls ne fait que confirmer ce que pour ma part je sais depuis fort longtemps, à savoir que ce monsieur n’a rien d’un homme de gauche. Il fait la politique que lui réclame la finance mondiale et ce n’est assurément pas pour cela que le peuple de gauche a voté pour Hollande en 2012.

Les quelques courageux militants du PS qui essayaient de redresser la barre à gauche ont donc perdu la bataille. Que cela conduise à leur neutralisation ou à l’éclatement de ce parti, le constat est que plus rien ne différencie la politique menée par le PS de la politique menée par les partis de droite.

Le fait que le PS soit désormais à classer parmi les partis de droite pose immédiatement la question des alliances pour EELV. J’ai pleinement souscrit à la sortie du « ni-ni » initiée en son temps par Dominique Voynet puisque la démarche écologiste est intrinsèquement de gauche : c’est en effet la même désastreuse recherche de profit qui conduit à exploiter les hommes et à piller la planète, et il était logique que les écologistes qui ont fait la synthèse des deux problématiques recherchent prioritairement des alliances électorales avec ceux qui en portaient au moins une.

Trahis par notre partenaire privilégié, le risque de marginalisation nous guette. Bien sûr, il faut continuer à mener des luttes avec des associatifs et nos amis du Front de Gauche et du NPA qui ont des analyses proches des nôtres. Mais cela ne sera pas suffisant pour que l’écologie soit réellement prise en compte dans les politiques publiques. Totalement indépendants, nous devons aujourd’hui être en capacité de passer des accords électoraux, sur des engagements précis, avec tous les partis de l’arc républicain. Il serait criminel de refuser de voir que c’est par exemple Angela Merkel qui a arrêté le nucléaire en Allemagne et que certains élus locaux de droite mènent, de façon sincère, des politiques réellement innovantes.

Le simple fait d’annoncer ce changement tactique amènera, j’en suis sûr, au PS à réfléchir à deux fois avant de trahir les accords passés et devrait permettre de remettre l’écologie au cœur du débat politique.

 

 

 

Le millefeuille administratif de plus en plus indigeste

Dans la douche froide dont Manuel Valls a arrosé les Français, on aurait pu un moment croire qu’il y avait au moins une bonne nouvelle, puisqu’était reconnue la lourdeur des structures politico-administratives françaises. Las ! en y regardant de plus près, on s’aperçoit une fois de plus que la réalité aura peu de choses à voir avec l’effet d’annonce.

Il y a certes une certaine pertinence à trouver que les régions françaises sont trop petites. Mais, si certains regroupements sont certainement souhaitables, y procéder de façon systématique risquerait d’être culturellement hérétique et économiquement contre-productif. Surtout, le fait qu’il y ait éventuellement moins de régions n’enlève aucune des couches du millefeuille : commune, communauté d’agglomération, département avec ses cantons, région, nation, communauté européenne…

L’évocation de la disparition des départements relève elle aussi du « coup de com » : d’ici 2021, entre la pression des élus locaux et les changements de majorité quasiment inéluctables, nul doute que cette structure a encore de beaux jours devant elle… Et la campagne de l’an prochain pour ces élections départementales, selon un mode de scrutin très discutable, totalement nouveau mais qui sera sensé ne servir qu’une fois, risque d’être quelque peu surréaliste…

Comme si cela ne suffisait pas, il faut encore que l’Etat vienne un peu plus à brouiller les cartes en Ile-de-France, avec l’obligation pour les communautés d’agglomération d’avoir au moins 200.000 habitants. Alors qu’elles commencent juste à trouver leur vitesse de croisière et à être reconnues par les citoyens grâce à l’élection de ses représentants au suffrage direct, n’y avait-il vraiment rien de plus urgent que de tout chambouler ?

Avec ses quelque 120.000 habitants, notre communauté d’agglomération de la vallée de Montmorency avait pourtant une certaine cohérence et un début d’identité tout en restant à taille humaine. De même que notre voisine de Val-et-Forêt, même avec une population sensiblement moindre. Mais il va falloir maintenant revoir tous les découpages ? Comment les citoyens vont-ils arriver à se retrouver dans tout ce remue-ménage stérile ? Le but de ce gouvernement serait-il de les détourner un peu plus de la politique ?