Adieu PS, je t’aimais bien…

En ces temps électoraux difficiles, on ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine satisfaction à l’annonce des résultats de la primaire organisée par les socialistes : le fait que Manuel Valls, qui n’a jamais été de gauche, ne réunisse même pas un tiers des suffrages sur son nom et arrive derrière Benoît Hamon, a quelque chose de rassurant sur l’état réel de ce que j’ose encore appeler le « peuple de gauche ».

Cette primaire signe vraisemblablement l’acte de décès du PS et, vu ce qu’il est devenu, ce ne peut être que salvateur. Depuis 1905 le Parti socialiste a fait de grandes choses avec entre autres Léon Blum et le Front populaire, puis François Mitterrand avec l’abolition de la peine de mort et Michel Rocard avec les révolutions RMI et CSG, et jusqu’à Lionel Jospin qui a relancé le processus émancipateur de réduction du temps de travail et arrêté le surgénérateur nucléaire Superphénix. Mais, malgré les étiquettes, ce PS-là n’était plus au gouvernement.

Et si les cartes ont été brouillées au point qu’on ne distingue plus guère la différence entre la gauche et la droite, on peut quand même aujourd’hui distinguer deux catégories de responsables politiques : ceux qui font de la politique d’accompagnement — c’est-à-dire en fait qui laissent les puissances financières transnationales faire comme bon leur semble — et ceux qui, conscients de l’injustice sociale et de la finitude de la planète, mettent toutes leurs forces à faire de la politique de transformation.

Dans la catégorie de ceux qui font de la politique d’accompagnement les nuances sont infimes entre Valls, Macron ou Fillon. De l’autre côté, et c’est pour ça que le PS a fini d’exister, se trouvent Hamon, Montebourg, Mélenchon et nous-mêmes à EELV. Nous avons certes des sujets de désaccord. Mais nous avons conscience des vrais problèmes et nous parlons la même langue, donc l’avenir n’est pas forcément complètement noir pour les générations futures.

 

Michel Rocard, l’honneur de la gauche

Je ne peux pas laisser Michel Rocard nous quitter sans dire un mot de l’importance qu’il a eue sur mon engagement politique. En 1969 j’avais la télévision depuis peu et avais suivi assidûment les débats pour l’élection présidentielle. Par rapport aux autres candidats, assister aux prestations de Michel Rocard avait une saveur particulière parce que, en l’écoutant, on avait l’impression de devenir plus intelligent… Ce qui, à 14 ans, vous marque forcément.

Plus tard, après avoir quitté les écologistes à cause de leur positionnement « ni droite ni gauche » et marqué ma sympathie aux libertaires, c’est bien lui, Michel Rocard, qui m’a fait franchir le pas d’adhérer à ce parti réformiste qu’était le Parti socialiste, afin qu’il soit le candidat des socialistes à l’élection présidentielle de 1981. On sait ce qu’a été la suite… Mais, dès 1980, j’avais assisté à une réunion locale animée par des proches de Michel Rocard où ils décrivaient leur souhait de mettre en place un « revenu minimum d’existence », idée qui paraissait complètement utopique voire saugrenue dans la société française de l’époque et même au Parti socialiste.

Mais en 1985 au congrès de Toulouse, bien qu’encore une fois minoritaire, Michel Rocard parvient à faire inscrire dans la motion de synthèse cette idée de revenu minimum d’existence qui deviendra un élément de programme du PS. On sait ce qu’il advient de bon nombre de promesses des programmes politiques… Pourtant, quand il a été en situation de gouverner en 1988, Michel Rocard a mis en place ce qui paraissait complètement utopique peu de temps avant et créé le RMI ! Chapeau bas.

Au cours de ses trois années à la tête du gouvernement il a aussi mis en place la CSG, qui était révolutionnaire dans le sens qu’elle concrétisait l’idée que la protection sociale ne devait pas être financée uniquement par les revenus du travail mais par l’ensemble des revenus, dont les revenus financiers. Elle a été vilipendée tant par la droite que par certains syndicats, pour être ensuite très vite acceptée par l’ensemble de la société parce qu’elle était juste.

Comment également ne pas saluer sa démarche de dialogue en Nouvelle-Calédonie où, après les dégâts provoqués par le lâche et sanguinaire Bernard Pons, il a su créer les conditions pour que s’établisse une paix durable ? Encore une action où l’on n’aurait pas trouvé grand monde pour parier sur sa réussite.

Pourtant, comme tout grand homme, il a eu ses faiblesses : je ne comprends toujours pas pourquoi il a facilité la carrière politique de Manuel Valls, qui est son exact contraire.

Toutefois, à la suite de Jean Jaurès et de Léon Blum, il restera de ceux qui ont marqué et honoré l’histoire de la gauche.