Gouvernement droite-centre-gauche mon œil !

Le président Macron, largement relayé par une presse qui ne voit que la surface des choses, veut nous faire croire qu’il a constitué un gouvernement rassemblant des personnalités de droite, du centre et de gauche. Pour les personnalités de droite et du centre, aucun doute là-dessus. Mais qui, dans ce gouvernement, pourrait sans rire se réclamer de gauche ? Ce ne sont plus les étiquettes électorales qui définissent les orientations politiques, et il y a longtemps que les Collomb, Le Drian et Ferrand ont rompu avec les valeurs de la gauche. Leurs potentielles différences avec des Bayrou ou Le Maire ne tiennent qu’à un léger déplacement du curseur sur la dose de libéralisme admissible par des populations qui souffrent de plus en plus.

Quant à ceux qu’on nous présente comme issus de la société civile, ce sont tous des « managers » qui ont principal objectif de « libérer l’entreprise » pour améliorer la rentabilité, donc des personnes qui, sous une étiquette « apolitique », jouent en fait à fond le jeu du système capitaliste qui asservit les hommes et détruit la planète.

Le seul qui ne rentre pas dans ce moule est donc Nicolas Hulot… On peut se demander ce qu’il vient faire dans cette galère qui risque rapidement de se transformer en radeau de la Méduse.  Pour se rassurer, on notera que dans son titre il a pris le soin de faire mettre transition écologique et solidaire, montrant qu’il a bien compris que les problématiques environnementales et sociales sont intimement liées. Mais combien parmi ses collègues sont à même d’accepter cette évidence et d’agir en conséquence ? Si on peut penser que, en homme avisé, il a pris quelques garanties auprès du chef de l’Etat, le meilleur moyen de l’aider sera quand même qu’il y ait le maximum de voix sur les candidats EELV le 11 juin.

Jeune président, vieille politique

Si la cérémonie d’investiture d’Emmanuel Macron avait incontestablement plus d’allure que les précédentes, il est cependant à craindre qu’elle soit bien symptomatique de tous les faux-semblants qui ont émaillé la campagne du candidat d’En Marche.

En effet, ce mouvement n’a cessé de nous répéter qu’on entrait dans une nouvelle ère, qu’ils ne feraient pas de la « tambouille politique ». Mais, pourquoi donc la nomination du nouveau Premier ministre qu’on a attendue toute la matinée n’a finalement été annoncée que dans l’après-midi ? Évidemment parce qu’il y avait d’intenses négociations qui n’arrivaient pas à aboutir sur la place que pourraient avoir les élus de droite dans le gouvernement. Ces négociations n’ont d’ailleurs rien de honteux en elles-mêmes, c’est naturel, tous les groupes humains fonctionnent ainsi. Ce qui est grave c’est de vouloir faire croire qu’on fait différemment alors qu’on fait exactement comme avant.

Plus inquiétante encore a été la désignation des 400 premiers candidats d’En Marche, dont beaucoup ont été présentés sans expérience politique, mais ce qui en fait importe peu. Ce qui est important c’est leur mode de désignation. Dans toutes les structures démocratiques, il y a un vote d’un certain nombre d’individus qui choisissent l’un des leurs pour les représenter. Même si c’est souvent hélas théorique, ils doivent des comptes à cette base qui les a désignés. Là, à qui les candidats d’En Marche devront-ils des comptes ? A celui qui leur a fait le bonheur de les choisir, c’est-à-dire leur chef Emmanuel Macron. C’est dire à quel point on aura une armée de petits soldats incapables de penser par eux-mêmes, juste dévoués à leur chef. Et donc, sous les habits de la modernité, c’est un grand recul démocratique.

 

Blanc !

Après des quinquennats effectués par des camps opposés même s’ils ne remettaient pas en cause le libéralisme triomphant, le fait qu’un candidat dont les discours n’ont aucun contenu arrive en tête de l’élection présidentielle est un marqueur inquiétant de l’état de déliquescence de la démocratie française.

Mais pas seulement : cet alignement de mots à la mode vide de sens n’est pas neutre. François Fillon éliminé du fait de son amoralité, Emmanuel Macron  est à l’évidence le candidat qui convient le mieux au monde de la finance. Et ce n’est pas ce candidat, complètement soumis au pouvoir des lobbies, qui sera en mesure d’enclencher les urgentes mesures sociales et écologiques dont le pays a besoin.

Le candidat dont j’ai soutenu le programme de futur désirable, Benoît Hamon, appelle à voter Macron. Mais c’est Philippe Poutou qui a raison en disant qu’un vote Macron ne protège guère de Le Pen et que c’est maintenant dans les luttes sur le terrain que les choses vont se jouer. Je ne me referai pas avoir comme en 2002 avec le vote Chirac. Pour construire aujourd’hui quelque chose de nouveau il faut montrer que la Ve République et ses loteries électorales sont à bout de souffle. Seul un vote blanc massif montrera au vainqueur qu’il ne pas pourra continuer les politiques libérales destructrices, et ce sera mon vote.

Adieu PS, je t’aimais bien…

En ces temps électoraux difficiles, on ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine satisfaction à l’annonce des résultats de la primaire organisée par les socialistes : le fait que Manuel Valls, qui n’a jamais été de gauche, ne réunisse même pas un tiers des suffrages sur son nom et arrive derrière Benoît Hamon, a quelque chose de rassurant sur l’état réel de ce que j’ose encore appeler le « peuple de gauche ».

Cette primaire signe vraisemblablement l’acte de décès du PS et, vu ce qu’il est devenu, ce ne peut être que salvateur. Depuis 1905 le Parti socialiste a fait de grandes choses avec entre autres Léon Blum et le Front populaire, puis François Mitterrand avec l’abolition de la peine de mort et Michel Rocard avec les révolutions RMI et CSG, et jusqu’à Lionel Jospin qui a relancé le processus émancipateur de réduction du temps de travail et arrêté le surgénérateur nucléaire Superphénix. Mais, malgré les étiquettes, ce PS-là n’était plus au gouvernement.

Et si les cartes ont été brouillées au point qu’on ne distingue plus guère la différence entre la gauche et la droite, on peut quand même aujourd’hui distinguer deux catégories de responsables politiques : ceux qui font de la politique d’accompagnement — c’est-à-dire en fait qui laissent les puissances financières transnationales faire comme bon leur semble — et ceux qui, conscients de l’injustice sociale et de la finitude de la planète, mettent toutes leurs forces à faire de la politique de transformation.

Dans la catégorie de ceux qui font de la politique d’accompagnement les nuances sont infimes entre Valls, Macron ou Fillon. De l’autre côté, et c’est pour ça que le PS a fini d’exister, se trouvent Hamon, Montebourg, Mélenchon et nous-mêmes à EELV. Nous avons certes des sujets de désaccord. Mais nous avons conscience des vrais problèmes et nous parlons la même langue, donc l’avenir n’est pas forcément complètement noir pour les générations futures.